C215

C215, portraitiste de rue temporaire

Armé de sa bombe et de son spray, C215 redonne aux murs gris et sales un nouveau souffle esthétique. Il les habille de portraits colorés, réalisés au pochoir ou à main levée. Ses modèles ? Sa fille, Nina, bien souvent, et aussi de nombreux anonymes qui peuplent les quartiers. Artiste de rue français installé à Vitry-sur-Seine, Christian Guémy alias C215 sévit depuis 2006 là où la ville est la plus laide. « Là où je peints, ça pue la pisse », dit-il avec son franc parler, expliquant que le mouvement du street art est né dans les banlieues de New-York par « une manifestation désespérée de l’homme de prendre possession du bâti ». Dans des zones industrielles où le béton ne laisse jusqu’alors pas de place à l’émotion.

 

Une vision académique

Né en 1973 à Bondy (93), C215 grandit en province, élevé par ses grands-parents après la mort de sa mère à l’âge de 6 ans. Il étudie dans un collège catholique puis monte à Paris étudier l’histoire de l’art, l’économie et les langues. Un cursus universitaire qui lui donnera plus tard le recul nécessaire pour exercer son œuvre sans élitisme et sans égocentrisme. Passionné par la Renaissance, il se forge une culture humaniste. C215 puise ses influences au travers des siècles d’art. De l’époque classique des peintures à l’huile de Le Caravage ou des illustrations de Boticcelli au plasticien contemporain Ernest Pignon-Ernest, qu’il estime être le premier « street artist français ». C215 devient historien pour les Compagnons du devoir, chargé d’études pour un syndicat du meuble, responsable export auprès d’un industriel du textile avant que l’art ne le rattrape enfin.

 

A 32 ans, Christian Guémy renoue ainsi avec les pinceaux qu’il avait délaissés depuis l’adolescence. Anéanti par une rupture sentimentale, il se met à peindre des portraits de son ex-femme et de sa fille sur les murs de leurs quartiers. Pour leur faire comprendre qu’il pense sans cesse à elles. Petit à petit, le travail de C215 prend forme : ses pochoirs colorés si singuliers fleurissent dans les rues. Les êtres brisés qu’il peignait à ses débuts laissent place à des regards lumineux. L’homme se reconstruit. C215 aime que son sujet s’intègre parfaitement à son environnement. « Pour avoir la possibilité de composer un tableau, faire surgir une peinture élégante dans un cadre qui lui correspond », indique-t-il.

Il place devant son public de véritables portraits de personnes existantes, vibrants d’émotions. Offrant aux habitants des quartiers des œuvres qui leur appartiennent. Des œuvres qu’il sait pourtant éphémères. « Je préfère penser que les gens partent traquer des œuvres d’art le week-end plutôt que d’aller faire du shopping comme c’était le cas quand j’étais petit. Ces loisirs sont moins consuméristes, c’est une évolution de société », remarque-t-il. D’ailleurs, Vitry-sur-Seine, la ville où il a installé son atelier fin 2007, est devenue grâce à lui la capitale du Street Art en France. Des touristes du monde entier affluent à la découverte de plus de 150 œuvres réalisées par de nombreux artistes internationaux.

 

C215, un passager en transit

Si C215 répond aujourd’hui à des commandes publiques, il ne trahit pas pour autant son œuvre. Il sait que c’est de là que vient la reconnaissance de son travail et l’ouverture au plus grand nombre. Même si certains de ses pochoirs sont arrachés de leurs supports par des « spéculateurs ». « Ce n’est pas moi qu’on vole, mais tous les passants qui auraient pu l’apprécier », commente-t-il. Bientôt les œuvres de C215 se feront rares. Celui qui refuse toute comparaison avec des graffeurs de quartier, est déterminé à ne pas rester accroché ad vitam aeternam à son art. Et quand il aura choisi le bon moment, Christian Guémy ira explorer d’autres formes artistiques.