Exposition : Hervé Di Rosa a La Maison Rouge

Du 22 octobre 2016 au 22 janvier 2017

L'énergie positive et l'insatiable curiosité de Di Rosa à La maison rouge

Hervé Di Rosa : Sous-marin aux coraux (détail), acrylique sur toile, 112 cm x 120. Adagp / Pierre Scwartz

Publié le 27 octobre 2016 / 0 commentaire

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La maison rouge présente jusqu'au 22 janvier 2017, l'expositon "Plus jamais seul, Hervé Di Rosa et les arts modestes". Cette présentation regroupe une sélection des réalisations de l'artiste, mais aussi une grande partie des objets qu'il collectionne avec passion. Inspiré par les fugurines publicitaires, l'art sacré et toutes les contres-cultures, les créations de Di Rosa ne connaissent pas de frontière. Visite.

Ce n'est pas un hasard si l'exposition commence par une grande étagère présentant quelques belles assiettes colorées au milieu d'oiseaux en bois, comme on peut en acheter dans de nombreuses stations balnéaires. En réalité, avec cette première installation, Di Rosa rend hommage à ses parents. Les oiseaux sont des appâts, qui appartenaient au père de l'artiste, chasseur. Quant aux assiettes dessinées par Di Rosa, ornées de poissons, de pieuvres ou de soleils, elles sont un clin d'oeil au gens simples qui, souvent, accrochent des assiettes un peu kitsch, dans leur entrée ou leur cuisine. Di Rosa vient d'un milieu populaire, il aime les gens modestes et son art l'est également. Il y tient, c'est sa marque de fabrique. L'artiste le revendique haut et fort : sa première source d'inspiration, ce sont les BD et les livres d'art avec des reproductions, surtout celles de Matisse ou de Dubuffet. Il est là, devant moi : l'homme est de petite taille, les cheveux blancs, il arbore une barbe de trois jours et regarde son auditoire avec des yeux vifs. Il parle très vite. Di Rosa vient du sud et cela se voit, ce Méditerranéen s'exprime avec de grands gestes. Visiblement, il adore évoquer son travail. Son œuvre est constellé d'une foule de personnages, sortis tout droit de la bande dessinée, revus et corrigés par son imagination très fertile. Il avance et me glisse à l'oreille : "Vous savez je n'ai pas été voir le centre Beaubourg avant 18 ans". Mais attention : trop de simplicité affichée ne doit pas faire oublier que Di Rosa est un grand artiste. On le considère, avec Combas, comme un acteur majeur du mouvement artistique "Figuration libre", c'est vrai mais c'est trop réducteur. En fait, Di Rosa est un collectionneur compulsif et un ogre artistique. C'est surtout un homme à l'esprit ouvert, un créateur hors pair et cet art, dit modeste, mérite vraiment qu'on s'y attarde.

Hervé Di Rosa et anonyme : Buste d'Hervé Di Rosa, 1998. Plâtre et céramique. Adagp / Pierre Schwartz

Hervé Di Rosa et anonyme : Buste d'Hervé Di Rosa, 1998. Plâtre et céramique. Adagp / Pierre Schwartz

Le rock, Combas, Keith Haring, Wolinski et les voyages

Di Rosa naît en 1959 à Sète, sa mère est femme de ménage, son père est employé à la SNCF. Quelques années plus tard, en 1976, il rencontre Robert Combas chez un disquaire. Les deux adorent le rock et faire la fête, ils sont donc fait pour s'entendre. Dès 1978, Di Rosa entre à l' Ecole nationale supérieure des arts décoratifs de Paris. En 1981 : première exposition avec Robert Combats, Rémi Blanchard et François Boisrond. Deux ans plus tard, Di rosa obtient le prix de le Villa Médicis Hors-les-murs. Cela lui permet de partir aux Etats-Unis, où il rencontre Jean-Michel Basquiat et Keith Haring. 1988 : exposition monographique au Musée d'Art moderne de la Ville de Paris. 12 mois passent, il inaugure sa "Galerie de l'art modeste", il expose des artisans et des dessinateurs comme Wolinski, Topor ou Geluck. Cette galerie ferme en 1995, année pendant laquelle il voyage au Bénin. Il voyage beaucoup, en 1988 il expose les œuvres réalisées pendant ses périples à l'étranger. En l'an 2000, il fonde le MIAM (Musée international des Arts Modestes), à Sète. En 2013, il s'installe à Lisbonne. Di Rosa : Une vie faite de rencontres et de voyages, de politique aussi. Les chiens fous de la Figuration Libre apportent ce qui manque à l'art des années 80 : l'humour. La MIttérandie adorent ces artistes engagés et impertinents, Di Rosa et ses copains vont largement en profiter...

Agglomérat de dessins

A la maison rouge, pour l'exposition Di Rosa, les murs sont blancs. Face à moi, une curieuse installation, une multitude de petits dessins. Vers 2001, l'artiste vit à Miami. Chaque jour, il réalise une petite oeuvre. C'est une partie de ces créations que j'observe : plusieurs oeuvres qui, à l'arrivée, en font une seule de grande taille. Elle mérite d'être regardé en détail...

Hervé Di Rosa : Di-Rosa-Fnac. DR.

Hervé Di Rosa : Di-Rosa-Fnac. DR.

La vie couleur sépia

Je passe par un étrange couloir, entièrement dessiné du sol au plafond. Dans cette grande BD sépia, l'artiste évoque l'idée que la société se fait des pauvres. Ce sont "Les misérables", version Di Rosa... Ici, le créateur montre un autre facette. Dans un jeu subtil, les lignes courbes alternent sans cesse avec les lignes droites.

Hervé Di Rosa : La vie des pauvres, 1993, encre de Chine sur papier. Adagp / Pierre Scwartz

Hervé Di Rosa : La vie des pauvres, 1993, encre de Chine sur papier. Adagp / Pierre Scwartz

Dynamisme

Je descends un petit escalier et découvre ce gigantesque tableau, très dynamique. Les astres à gauche et l'immeuble à droite, conduisent l'oeil de l'observateur vers le soleil vert central.

Hervé Di Rosa : Dirosapocalypse, 1984, 400 cm x 800. Acrylique sur toile. Adagp / Pierre Schwartz

Hervé Di Rosa : Dirosapocalypse, 1984, 400 cm x 800. Acrylique sur toile. Adagp / Pierre Schwartz

Le sens des affaires

Je débouche dans une grande pièce, où sont exposés les produits dérivés créés par Di Rosa : T-shirts, montres, objets enfantins, verres, sacoches. L'artiste a aussi le sens des affaires... Plus loin, je découvre de nombreuses œuvres présentées dans le Musée des Arts Modestes : statuettes mexicaines en papier mâché, affiches peintes, maquettes, coqillages etc. Je tombe nez à nez avec cette carte qui explique bien les différentes sources d'inspiration de " l'Art Modeste ".

Hervé Di Rosa : Découverte de l'art modeste, 2007. Papier peint, dimenssion variables. Adagp / Pierre Schwartz

Hervé Di Rosa : Découverte de l'art modeste, 2007. Papier peint, dimenssion variables. Adagp / Pierre Schwartz

Le voyageur

Pour comprendre la méthode travail et l'œuvre de Di Rosa, il faut absolument prendre en considération les nombreux voyages de l'artiste : Etats-Unis, Afrique (Egypte, Bénin, Ghana, Ethiopie, Afrique du sud), Mexique, Brésil, Bulgarie, Russie, Vietnam, Israël, Cuba. Dès qu'il sort de l'avion, l'artiste fonce à la rencontre des artisans du coin. Il leur propose, soit de réaliser, avec leurs matériaux et leur savoir faire, une œuvre qu'il a dessiné, soit de travailler ensemble dans une vraie collaboration. Di Rosa précise : "je suis avec eux tout le temps, ils ont beaucoup de savoir technique... Le travail que je fais n'a rien à voir avec la générosité. Il est plutôt ancré dans une réalité, convaincu que je suis de la nécessité d'utiliser ce que le monde génère". Je le vérifie immédiatement en regardant un très beau paravent, en nacre, laque, coquilles d'œufs et bois, réalisé en collaboration avec des artisans vietnamiens. Quelques mètres plus loin, je me retrouve nez à nez avec plusieurs sculptures d'inspiration africaine, dont celle-ci, plutôt rigolote.

Hervé Di Rosa : Robot top model / Cameroun, 2013, bois, bronze, perles. H : 252 cm. Adagp / Pierre Schwartz

Hervé Di Rosa : Robot top model / Cameroun, 2013, bois, bronze, perles. H : 252 cm. Adagp / Pierre Schwartz

Vierges et câbles téléphoniques

J'observe aussi une série d'œuvres circulaires en tressage de câbles téléphoniques en plastique. Il a été créé à Durban (Afrique du Sud). J'admire aussi ce long manteau, qui rappelle les vierges portugaises ou espagnoles, que la population porte lors des processions.

Hervé Di Rosa : El manto grande, 2013, acrylique sur bois, 60,5 cm x 121 x 7. Adagp / Pierre Schwartz

Hervé Di Rosa : El manto grande, 2013, acrylique sur bois, 60,5 cm x 121 x 7. Adagp / Pierre Schwartz

Le grand jeu

Un peu plus loin, je tombe face à face avec un immense cabinet de curiosité. J'admire des objets venus des quatre coins du monde, tous issus de la culture populaire. Le jeu consiste à trouver les objets d'artisans locaux et ceux inventés par Di Rosa. Je m'y essaye, ce n'est pas simple. Et Hervé Di Rosa a aussi peint cette aire de jeux : un paradis pour tous les enfants.

Hervé Di Rosa : Tienda del Senor Maguey, 2000, acrylique sur toile, 220 cm x 246. Adagp / Pierre Schwartz

Hervé Di Rosa : Tienda del Senor Maguey, 2000, acrylique sur toile, 220 cm x 246. Adagp / Pierre Schwartz

Un collectionneur compulsif

J'ai toujours regardé avec curiosité les personnes, qui installent un grand train électrique dans leur garage ou leur grenier, ceux qui rangent impeccablement les wagons sur de belles étagères. Di Rosa a un peu ce côté-là. C'est un immense collectionneur. Ce fou de BD, collectionne les actions figures , toutes accrochées aux murs de La maison rouge, sous leur plastiques d'emballage : de quoi faire rêver plus d'un enfant. Et quand on lui demande pourquoi il les garde sous plastique, son œil s'allume et il répond : "ça vaut plus rien quand tu les ouvres". Ah ben oui... Tous ces super-héros de plastique, il les trouve au marché aux puces de Lisbonne. Au centre de la pièce, sur une grande table accueille un nombre incalculable de figurines, il me montre son dernier achat : un petit Spirou datant de 1946. Il en est très fier. Ci dessous : une partie de sa collection personnelle.

Collection de jouets et de figurines d'Hervé Di Rosa, 2016. Pierre Schwartz

Collection de jouets et de figurines d'Hervé Di Rosa, 2016. Pierre Schwartz

 Quand l'Art Modeste prend l'eau

Au sous sol, je vois à côté d'un aquarium, une très belle série de plusieurs tableaux consacrés au thème de la mer, un océan de joie :

Hervé Di Rosa : Sous-marin aux coraux, acrylique sur toile, 112 cm x 120. Adagp / Pierre Schwartz

Hervé Di Rosa : Sous-marin aux coraux, acrylique sur toile, 112 cm x 120. Adagp / Pierre Schwartz

En sortant de la pièce, l'artiste prononce cette phrase lourde de signification : "Je fais rarement des choses inhabitées". Ah, le vrai Di Rosa se dévoile un peu, enfin... Son art modeste est plus complexe qu'il en a l'air. "L'Art Modeste c'est un regard en fait, il n'y a pas d'artiste "art modeste", précise t'il.

Bulles

La dernière salle reconstitue, en photos, l'immense bibliothèque de l'artiste, composée en grande partie de BD. Il est capable de parler de chacune d'elle. Au centre, une vitrine abrite les nombreuses couvertures de livres et de magazines, réalisées par l'artiste. Il s'est toujours intéressé à l'édition et il est l'illustrateur de 150 éditions de luxe.

Petite révélation

L'exposition ayant pour titre "Plus jamais seule", la question est évidente : pourquoi autant de personnages croisent ou remplissent son œuvre. La réponse fusent : "Ce sont des talismans qui font reculer la mort". Cette fois ci, je crois que Di Rosa s'est totalement révélé. Derrière cette farandole de figurines peintes ou collectionnées, se cache la grande faucheuse... Et il poursuit : "J'ai fait de grandes peintures de guerre mais je ne les montre pas"... L'œuvre de Di Rosa, rigolote et positive, serait donc moins simple qu'elle n'y paraît au premier regard ?

Hervé Di Rosa : Tête aux petits tas, Ghana, 1994. Huile sur panneau de bois. 122 cm x 122. Adagp / Pierre Schwartz

Hervé Di Rosa : Tête aux petits tas, Ghana, 1994. Huile sur panneau de bois. 122 cm x 122. Adagp / Pierre Schwartz

Architectures

Avant de sortir, je regarde une série de toiles consacrées à l'architecture, peintes en Israël ou aux Etats-Unis. Elles sont toutes très rectilignes et diffèrent des autres œuvres de l'artiste.Elles ont même un petit côté Edward Hopper, le vide est très important dans ces toiles, c'est curieux. Di Rosa ne nous a pas habitué à ça. Sur celle-ci, les buildings sont simplement suggérés par des petits points jaunes. Ils forment les murs, ils suggèrent également la lumière.

Hervé Di Rosa : Noël (Tati), Paris 2008-2009, acrylique sur toile et vernis, 168 cm x 79. Adagp / Pierre Schwartz

Hervé Di Rosa : Noël (Tati), Paris 2008-2009, acrylique sur toile et vernis, 168 cm x 79. Adagp / Pierre Schwartz

Cette exposition, que vous pouvez visiter avec vos enfants, témoigne d'une énergie et d'une curiosité incroyable. L'imagination de Di Rosa, nourrit par tous les artisans du monde, est sans borne. Je fais un dernier tour général avant de sortir. J'ai vraiment l'impression qu' Hervé Di Rosa n'est jamais totalement sorti de sa chambre de préadolescent, heureusement pour nous.

La maison rouge